À l’occasion du 40ème anniversaire de l’espace Schengen, la Commission européenne présente sa feuille de route pour moderniser la gestion des frontières. Numérisation des visas, mise en œuvre des systèmes EES et ETIAS, renforcement de la cybersécurité : l’Union trace les contours d’un espace Schengen plus fluide, plus sûr, et pleinement adapté à l’ère numérique.
Alors que l’espace Schengen célèbre ses 40 ans, la Commission européenne publie un rapport stratégique ambitieux, intitulé « Rapport sur l’état de Schengen 2025 », qui projette l’espace de libre circulation dans une nouvelle ère numérique.
Ce jalon symbolique marque non seulement un anniversaire, mais aussi un tournant : celui d’un espace Schengen modernisé, sécurisé, et plus intégré que jamais.
Au cœur de cette feuille de route : la numérisation des visas, le déploiement des systèmes EES et ETIAS, et un renforcement accru de la gouvernance Schengen, dans un contexte géopolitique instable.
Visa Schengen : vers un écosystème numérique unifié d’ici 2028
Après l’adoption législative du cadre pour les visas numériques en 2023, l’Union européenne prépare activement la mise en place d’un système intégré. L’objectif ? Une plateforme commune de demande de visa qui sera développée à partir de 2026 pour un lancement opérationnel en 2028.
Ce portail permettra aux ressortissants de pays tiers de déposer leur demande en ligne, de suivre son avancement, et de recevoir un visa numérique sous forme de code-barres crypté, remplaçant définitivement la traditionnelle vignette autocollante.
Mais la transformation va plus loin : dans le cadre de sa proposition sur la numérisation des documents de voyage, présentée en octobre 2024, la Commission prévoit la création d’un standard commun européen pour les documents de voyage numériques et le développement d’une application mobile UE. Cette application ambitionne de fluidifier les contrôles aux frontières et de garantir une expérience de voyage sans friction pour tous les passagers.
EES & ETIAS : deux piliers numériques pour sécuriser l’espace Schengen
Le Système d’entrée/sortie (EES, pour Entry/Exit System) sera déployé progressivement à partir d’octobre 2025. Il enregistrera électroniquement les entrées, sorties et refus d’entrée des voyageurs non-européens franchissant les frontières extérieures. Ce système remplace les tampons manuels par une gestion automatisée des durées de séjour, couplée à des données biométriques, pour mieux détecter les infractions aux règles de séjour.
Le système européen d’information et d’autorisation pour les voyages (ETIAS), quant à lui, entrera en vigueur fin 2026. Tous les voyageurs issus de pays exemptés de visa devront obtenir une autorisation de voyage électronique préalable pour visiter l’espace Schengen. Valable trois ans, l’ETIAS coûtera 7 euros et pourra être obtenu via une procédure 100 % en ligne. Ce système vise à renforcer les contrôles préalables et à bloquer en amont les menaces potentielles à la sécurité intérieure.
En tant qu’espace de libre circulation le plus vaste et le plus populaire au monde, nous devons redoubler d’efforts pour développer, renforcer et moderniser Schengen. Cela signifie qu’il faut améliorer la coopération en matière de sécurité entre les services répressifs des États membres et accélérer la numérisation des systèmes de gestion des frontières, tels que le système d’entrée-sortie, afin de prévenir les risques pour la sécurité et d’assurer des retours plus efficaces.
Magnus Brunner – Commissaire aux affaires intérieures et aux migrations
Frontières extérieures : efficacité et solidarité européenne renforcées
En parallèle de ces avancées technologiques, la Commission insiste sur l’importance d’une gestion coordonnée et efficace des frontières extérieures. En 2025, elle s’engage à renforcer le soutien opérationnel aux États membres confrontés à des pressions migratoires spécifiques, notamment via le déploiement accru d’experts et de moyens de Frontex.
Un accent particulier est mis sur la mise en œuvre des nouvelles règles issues du Pacte sur la migration et l’asile, notamment le règlement sur le filtrage à la frontière et celui sur le retour des migrants en situation irrégulière. Ces textes visent à renforcer la protection des frontières tout en respectant les droits fondamentaux.
La Commission prévoit également d’intensifier la coopération avec les pays tiers, notamment les pays d’origine et de transit, dans le but de mieux gérer les flux migratoires, prévenir les départs irréguliers et favoriser les retours volontaires ou forcés.
Un Schengen prêt pour l’ère numérique
La Commission annonce une refonte en profondeur du modèle de gestion des frontières, rompant avec la seule logique de contrôles physiques pour passer à une architecture numérique intégrée et intelligente.
Cela inclut l’adoption en janvier 2025 de nouvelles règles sur les Données Avancées des Passagers (API), qui permettront un partage plus efficace avec les autorités frontalières et policières, tout en respectant les droits à la vie privée et à la protection des données.
Pour faire face aux défis techniques, le déploiement de l’EES sera progressif sur six mois, comme proposé en décembre 2024, afin de laisser aux États membres le temps d’adapter leurs infrastructures. La Commission presse les colégislateurs d’adopter rapidement ce calendrier, et appelle les États, le Parlement, le Conseil et eu-LISA à tout mettre en œuvre pour que l’ETIAS et l’EES soient pleinement opérationnels dans les délais.
En parallèle, l’UE compte accélérer l’intégration des technologies de pointe dans la gestion des frontières, avec des investissements ciblés dans la cybersécurité, la détection des menaces, les réponses en temps réel et le développement de solutions européennes souveraines. La coopération étroite avec les pays Schengen, les entreprises innovantes, les chercheurs et les instituts technologiques est identifiée comme clé pour renforcer la résilience du système dans un contexte de menaces hybrides et de mutation rapide.